La post-vérité, une "affaire classique"
- Yves Surel & Assasnews
- 17 nov. 2017
- 2 min de lecture

Avec les révélations sur la campagne américaine et les "affaires Trump", le concept de post-vérité n'a jamais fait autant fait parler de lui. Mais est-il si nouveau que cela ? La réponse avec le professeur de science politique à Paris II Yves Surel.
"C’est inquiétant pour la démocratie, c’est intéressant pour les sociologues"
YS : « La post-vérité est un terme qui est apparu il y a quelques années pour montrer que les supports d’information et de communication sont moins hiérarchisés qu’auparavant et que cela ouvre la possibilité de saturer le champ médiatique d’informations qui ne sont pas nécessairement issues de médias officiels. Elles ne sont donc pas nécessairement filtrées par les médias classiques. Avec l’idée aussi qu’il y a une capacité supplémentaire chez certains acteurs d'user de manipulation. Soit en délivrant de fausses informations, soit en livrant un discours alternatif qui, au contraire, conteste ce qui serait une « vérité officielle », en lui opposant et superposant ce qui serait la vérité « authentique ».
"C’est évidemment quelque chose d’assez classique, qu’on voit depuis longtemps"
C’est évidemment quelque chose d’assez classique qu’on voit depuis longtemps: dans les différents phénomènes de propagande, dans la stratégie de fausses informations qu’employaient les médias occidentaux par exemple, dans les contextes de conflits. Donc c’est déjà une forme d’antériorité de la post-vérité. En soi, ce n’est pas un phénomène neuf. Il faut aussi se méfier des qualificatifs "fourre-tout".
Ceci étant, avec l’éclosion du numérique et sa généralisation - et on le voit aussi dans les campagnes électorales récentes - le nombre de fausses informations qui a été traité de manière assez spontanée par le public est considérable, et a eu des effets sur leurs comportements électoraux. C’est inquiétant pour la démocratie, c’est intéressant pour les sociologues. Une expression est souvent employée selon laquelle « des idées fausses sont des faits vrais ». Ce sont des faits vrais au sens où des idées fausses provoquent des comportements sociaux.
« Des idées fausses sont des faits vrais »
Ce qui me semble intéressant dans la post vérité c’est de se poser la question de comment sont produites ces fausses informations, quels sont les mécanismes de hiérarchisation qui existent, et enfin (c’est toute la sociologie de la réception), comment tout cela est reçu ? Et avec quels effets sur les comportements des individus ?
Est-ce qu’une fausse information par exemple peut avoir un effet sur un scrutin ?
Je trouve que nous n’avons pas d’éléments de preuve suffisants, aujourd’hui, pour le dire. Même si lors de la campagne américaine, Trump a pu sortir des informations « délirantes » sans que le contre-discours tenu par les médias classiques ou la classe politique traditionnelle ne puisse reprendre le contrôle du débat. »
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